jeudi 28 novembre 2013

Le Veilleur

Penché en avant, le vieil homme grattait le fond de la poêle pour en détacher les restes noircis des trois sardines de son déjeuner. Ils composeraient le festin de la dizaine de chats qui ondulaient autour de lui, la queue déplumée dressée au-dessus de leurs corps rachitiques. Ils connaissaient ses heures et ses habitudes. A peine sa fourchette frottait-elle la casserole qu’ils accouraient tous comme des petits faunes à travers la végétation ensauvagée du jardin.

Il se releva, souleva la visière de sa casquette et s’épongea le front avec sa manche de chemise. Le soleil n’atteindrait son zénith que dans une grosse heure, mais il tapait déjà fort. Il se dirigea vers la maison et entra par la porte qu’il avait laissée entrouverte.

Sa maison ne comportait qu’une seule pièce qui faisait office de chambre, de cuisine et de salon. Son seul luxe en était le sol couvert de grandes ardoises parfaitement jointoyées et très propres. Une petite cheminée à mi hauteur du mur lui servait à la fois à faire cuire ses aliments et à le chauffer en hiver. Il y avait tout juste la place pour son mobilier : un lit de camp, une petite table carrée, une chaise, un buffet. Une cuvette creusée dans un bloc de roche était disposée sous l’unique fenêtre aux volets toujours fermés. Il y faisait sa toilette et y lavait sa vaisselle. Au-dessus de sa tête de belles grosses poutres, noires comme le charbon, supportaient le toit de lauzes.

Il déposa la poêle noircie au fond de l’évier, puis débarrassa la table des restes de son repas. Il prit un vieux torchon sale pour retirer du feu la petite casserole d’aluminium dans laquelle il avait mis son café à chauffer et s’en versa une tasse. Il attrapa la chaise par son dossier, la mit devant la porte et s’y assit.

La mer semblait aussi lisse qu’un lac, à peine quelques filets d’écume en irisait la surface d’un bleu sombre et intense. Le bruit des vagues en contre-bas était doux et régulier. La brise s’était momentanément arrêtée, seul le bruit de quelques insectes troublait le silence.

*

L’île, presque trois fois plus longue que large, s’étendait d’est en ouest de part et d’autre d’une chaîne de montagnes élevées. Au nord de hautes falaises tombaient à pic dans les flots, tandis qu’au sud les pentes raides étaient aménagées en terrasses depuis des temps immémoriaux. La maison du vieil homme avait été bâtie sur l’une d’elles par un ancêtre dont le nom s’était perdu. Il y vivait seul depuis que, tout juste sorti de l’enfance, son père l’avait chargé d’entretenir ce lopin de terre sèche et de récolter les fruits qu’il fournissait chaque année.

Il avait obtempéré sans broncher ; on ne discutait pas les ordres de son père. Il s’était acquitté de son devoir avec application. Le chef de l’exploitation familiale n’avait jamais eu à se plaindre de son travail et les années avaient passé. D’abord son père, puis sa mère, puis ses sœurs, tous étaient morts désormais. Lui seul était encore vivant, et toujours dans sa maisonnette en pierres et aux huisseries peintes en bleu. Il vendait sa récolte d’olives et de raisin, pêchait de temps à autre, et cela lui suffisait. Il ne désirait rien de plus et possédait tout ce dont il avait besoin.

Au hameau on l’appelait le Veilleur. Tout le monde, passant sur le chemin qui serpentait de terrasse en terrasse, l’avait surpris au moins une fois fixant la mer, immobile et debout, les bras le long du corps. Nul ne savait ce qu’il attendait. C’était le seul loisir qu’on lui connaissait. Les plus vieux l’assuraient : dès son plus jeune âge, du moment qu’aucun travail ne l’occupait, il se plantait quelque part et regardait au large. Au début les filles s’étaient moquées de lui. Elles lui avaient demandé en riant s’il attendait le retour d’Ulysse – ou l’arrivée du Déluge. Puis les filles avaient vieilli et s’étaient détournées du Veilleur qui restait toujours sourd à leurs sollicitations. La communauté s’était appropriée sa lubie ; elle faisait maintenant partie de lui.

*

Sans détacher ses yeux de la mer, il avala une gorgée de café brûlant. La forme floue d’un ferry s’extrayait lentement de l’horizon, un bourdonnement sourd témoignait de son effort. Quelques minutes plus tard il passerait devant le vieillard, puissant et imposant, fendant l’eau et laissant derrière lui une large traînée d’écume s’élargissant en éventail jusqu’à se fondre dans les flots.

*

Le ferry avait maintenant dépassé l’île depuis longtemps. Le fond de la tasse abandonnée aux pieds de la chaise s’était couvert d’une pellicule noire de café séché. Une petite mouche noire rampait sur la paroi intérieure, comme si elle hésitait à plonger dans des profondeurs abyssales.

Le vieil homme était allongé sur son lit, la casquette sur les yeux. Il ronflait légèrement. Un chat assis sur le seuil le regardait, immobile. Il savait qu’il n’avait pas le droit d’entrer et attendait patiemment un signe, assuré qu’il obtiendrait quelque chose à se mettre sous la dent.

Une camionnette passa lentement sur le chemin de pierre au-dessus de la maison, soulevant un nuage de poussière. Le vieil homme bougea un doigt. Le chat se remit sur ses quatre pattes. Au bout d’un court moment, il se rassit, c’était une fausse alerte, la sieste n’était pas encore terminée.

Le vieil homme rêvait. Il était un petit garçon assis sur les galets d’une plage. Un magnifique voilier, éclatant de blancheur, voguait au loin. Ses poulies brillaient au soleil de midi. La vision était si éblouissante qu’il devait mettre ses mains en visière au-dessus de ses yeux pour la regarder. Sur le pont il distinguait deux femmes et un homme, eux aussi tout en blanc. Ils étaient immobiles et regardaient dans sa direction mais ne semblaient pas le voir. Le temps s’étirait. Le voilier semblait presque immobile, malgré les deux plis d’eau de chaque côté de la proue et les ondulations sur les flancs du bateau. Puis une des silhouettes se déplaça. Pendant un court instant, il aperçut un corps nu, mais flou, une petite tache noire dans une ombre. Puis la silhouette disparut, et une tête surgissait de temps à autre dans les vagues. Lui restait immobile. La tête apparaissait et disparaissait, les cheveux mouillés brillant au soleil. A un moment il prit conscience que le bateau avait disparu. L’horizon était vide. La mer scintillait. Le soleil était dur.

Le chat poussa un petit miaulement bref. Le vieil homme expira doucement, releva sa casquette et se releva. Il fit quelques pas en titubant légèrement puis se réveilla tout à fait.

- Va. Je vais te trouver quelque chose.

Il ouvrit une boîte de conserve et en versa le contenu dans une coupelle qu’il déposa sur le seuil. Le chat le regarda en miaulant puis se jeta sur sa pitance.

Le vieil homme sortit de la maison, regarda la mer un moment, puis ramassa la tasse, faisant s’envoler la mouche. Il mit la tasse dans l’évier et ressortit s’asseoir sur la chaise.

Le soleil qui baissait allongeait les ombres. Les frisottis d’écume étaient maintenant plus nombreux à la surface de la mer et faisaient de grandes traînées parallèles. En haute mer, la houle devait être forte.

D’ailleurs une longue barque à moteur rentrait au port. Un homme en salopette tenait le manche. L’embarcation tanguait fortement. Des tas de filets noirs brillaient au fond et les cagettes en plastique étaient vides. Inutile de s’acharner dans ces cas-là.

Pour les touristes qui étaient attablés au bistrot de la plage, c’était l’heure la plus belle de la journée. Le soleil allait peu à peu se coucher, rougeoyant et irradiant, colorant tout le paysage d’une teinte chaude et orangée. La vie semblait se suspendre jusqu’à ce qu’il eût entièrement disparu à l’horizon. Puis on allumerait les guirlandes, on trinquerait et les conversations reprendraient.

Pour le vieil homme, toutes les heures étaient belles, celle-ci autant que les autres. Le petit avantage du crépuscule était qu’il faisait moins chaud. La brise de terre allait bientôt se mettre à dévaler la pente vers la mer, caresser doucement la maison et réveiller l’odeur sucrée des figuiers.

Lorsqu’il fit entièrement nuit, il rentra sa chaise et alluma la lampe à pétrole sur la table. Il se coupa quelques légumes et une grosse tranche de fromage qu’il arrosa d’huile d’olive. Trois chats malingres étaient assis sur le seuil et le regardaient manger. Quand il eut terminé, il rangea la vaisselle, balaya les miettes de pain de la table et éteignit la lampe. Lorsqu’il ressortit avec sa chaise à la main, les chats s’ébrouèrent en miaulant doucement.
Le vieil homme reprit sa place devant la maison. Les vagues battaient régulièrement le rivage. Malgré l’éclat d’une lune presque pleine, les étoiles semblaient aussi nombreuses sur la toile bleu marine du ciel que les grains de sable sur la plage.


Un gecko, au corps presque phosphorescent et aux grands yeux globuleux, ses pattes spatulées agrippées à la pierre au-dessus de la fenêtre, était lui aussi parfaitement immobile.

vendredi 12 avril 2013

Le tour de garde


Un nuit froide et sans lune était tombée. Les deux soldats avaient éteint leur feu et éparpillé les cendres dès que le jour avait commencé à décliner. Ils avaient tiré au sort le nom de celui qui allait effectuer le premier tour de garde, puis ils étaient partis chacun de leur côté.

Tandis que l’un installait son couchage sur le lit de camp de l’abri, sans autre choix – puisque toute source de lumière était interdite dans la maisonnette – que d’essayer de trouver le sommeil léger et agité de celui qui sait qu’il sera réveillé au milieu de la nuit, l’autre montait lentement l’échelle de la cabane d’observation.

C’était une sorte de cabane de chasseur, boîte en bois suspendue sur quatre longues pattes dans les feuillages, ouverte sur le côté où on entrait, couverte d’un toit de camouflage, et dont trois côtés étaient percés de lucarnes de surveillance étirées.

Le premier de tour de garde, debout dans la cabane, se demanda, comme toujours au début d’une nuit de surveillance, quelle était la meilleure position pour rester immobile si longtemps sans sentir son corps s’ankyloser et sans être tenté de s’endormir. Il n’était pas possible d’y rester debout : regarder par les ouvertures nécessitait de se baisser. Rester à genou était trop fatiguant et douloureux. Etre assis en tailleur demandait trop de temps pour se relever en cas d’urgence. Alors il décida de commencer sa veille en s’asseyant le dos contre le mur, les jambes à moitié pliées et les pieds à plat sur le sol sale de la cabane.

Il croisa d’abord les bras, et s’assura qu’il avait tout ce dont il avait besoin. A portée de main, il avait sa gourde, ses cigarettes – même s’il n’était pas autorisé à fumer – et son arme, canon levé. Le sifflet d’alarme était pendu à son cou par un cordon crasseux.

Il lui fallut ensuite plusieurs minutes pour habituer son ouïe aux bruits de la forêt. Dans l’obscurité, le bruissement des feuilles sous lesquelles il se tenait l’assourdissait. Il y eut ensuite quelques hululements et les craquements habituels.

Il resta ainsi pendant plusieurs minutes, ne pensant à rien, laissant la nuit couler en lui. Il remonta son col, referma le dernier bouton de sa vareuse et ajusta sa casquette pour garder son crâne au chaud.

Suivant à la lettre les instructions qui stipulaient que le garde devait s’assurer visuellement avec régularité de la situation sur le terrain, il se releva et glissa les yeux à travers une des petites fenêtres de la cabane. Il faisait si sombre qu’il devinait tout juste la paire de rails qui se perdait dans l’obscurité, sur la droite et sur la gauche. Il se fit la remarque pleine de justesse qu’il aurait été bien en peine d’apercevoir qui que ce fût dans cette purée de poix.

Il se rassit, ayant en tête la pensée rassurante qu’il ne passait jamais personne sur cette voie hormis quelques trains de bois à la fin de la saison de coupe, et qu’un fugitif éventuel n’aurait pas eu l’idée de rester à découvert sur la voie qui offrait presque un couloir de tir parfait.

Il laissa un long moment se passer avant de se relever contrôler la vue. Il se dit que plus la nuit allait avancer, moins il aurait le courage de se relever pour assurer sa surveillance inutile. A l’exception des cimes qui ondulaient légèrement sur la gauche des rails, il n’aperçut aucun mouvement suspect et se réinstalla. La place était encore chaude. Il but une goutte de l’alcool fort qu’il avait emporté avec lui.

Une période de temps assez longue s’écoula. Il ne parvenait pas à la quantifier, pour cela il aurait fallu craquer une allumette et regarder sa montre. Il sentait le froid qui tombait sur ses épaules et la fatigue qui lui rendait l’esprit confus. Il se demanda s’il ne s’était pas assoupi.

Par acquit de conscience, il se releva, étira ses membres. Il fit du même coup craquer les planches du sol de la cabane et sursauta. Il regarda à travers la première lucarne. Il constata seulement que le vent s’était levé, la cime des arbres était prise d’une grande agitation.

Il se rassit en se demandant pourquoi on ne les équipait pas de projecteurs puissants qui auraient permis d’éclairer la voie sur des dizaines de mètres et de repérer immédiatement tout intrus.

Il posa la tête sur la paroi de la cabane et revit en mémoire les mouvements saccadés des arbres. Il tendit l’oreille, se concentra sur son ouïe. Il devait admettre qu’il n’entendait pas le bruit qu’il aurait dû entendre dans les arbres si le vent avait soufflé aussi fort qu’il l’avait vu.

Il se releva à nouveau et observa. Les cimes avaient retrouvé leur ondulation naturelle. Ce n’était donc qu’une simple bourrasque. Il se rassit rassuré.

Une autre période de temps s’écoula. Une heure, deux heures, trois heures ; il ne savait pas. Il luttait contre le sommeil, se sentait glacé des pieds à la tête, ses articulations étaient douloureuses et l’ennui l’abrutissait complètement.

Il décida de se secouer, si ce n’était pour le bien de sa surveillance, cela aurait au moins le mérite de le réveiller. Il resta face à la lucarne plus longtemps que de coutume, sondant l’obscurité et le silence. Il vit à nouveau les cimes onduler dans de grands mouvements. Il n’était pas certain de rêver, mais il avait la sensation qu’une partie seulement de la forêt était concernée par les bourrasques.

Il frissonna, s’agenouilla, baissa les yeux comme pour les laver de sa vision et empoigna son arme.

Il releva la tête et regarda à nouveau avec attention la zone de forêt qui longeait la voie ferrée et qui s’agitait. Cette fois, il en était certain, un seul arbre, probablement un très grand arbre, était pris de mouvements inhabituels. Il était presque certain qu’une bourrasque seule ne pouvait pas créer ce genre de mouvement désordonné. Il lui semblait que toute une colonie de singes se balançait dans ses branches.

Il resta un long moment à regarder ce mystère et à se demander de quoi il pouvait s’agir. Il eut soudain la réponse à sa question : ce ne pouvait être qu’une colonie de corbeaux. Seuls ces grands oiseaux pouvaient créer ce mouvement dans les branches. Il avait déjà vu une bande de ces animaux quand il était enfant, plusieurs dizaines de volatiles noirs qui agitaient un pauvre peuplier en tout sens au bord du fleuve. Il se rassit soulagé.

Alors qu’il fermait les yeux, il prit conscience qu’à la différence d’avec son souvenir, il n’entendait pas les lugubres croassements qui accompagnaient cette scène de son enfance. Soudain le silence de la forêt l’inquiéta. Il se demandait s’il devait alerter son camarade. Mais pour lui dire quoi ? Qu’un arbre bougeait bizarrement ? Que la forêt était trop silencieuse ?

Il n’y avait rien là de vraiment inquiétant, et pourtant il sentait une terreur froide mouiller son dos. Il était incapable de réfléchir et de décider ce qui était le mieux à faire pour lui.

Il ne pouvait plus bouger et sentait chaque seconde s’écouler lentement. Tirant du plus profond de lui-même le courage d’aller s’assurer une dernière fois qu’il n’avait pas rêvé, avec l’espoir de s’être trompé, de s’être monté une histoire, il regarda par la petite lucarne dans la direction de l’arbre qui s’agitait. Mais c’était maintenant au tour d’un autre arbre d’être pris de mouvements convulsifs, il en était absolument certain. Celui qui était maintenant touché par le phénomène était beaucoup plus proche de la cabane que le précédent.

Il ne lui fallut qu’un éclair de temps pour parvenir à cette conclusion : la chose s’était rapprochée. Il ne doutait plus maintenant que quelque chose faisait bouger les arbres, et que cette chose s’était déplacée. Paralysé par la peur, il regardait fixement les branches folles en essayant de deviner une forme qui lui eût permis de savoir ce que c’était, homme ou animal.

Puis l’arbre cessa brusquement de bouger. Il resta tendu de tous ses nerfs à attendre un bruit ou une lumière, quelque chose. Mais il n’y avait rien d’autre que le silence noir. La forêt semblait même minérale tant elle était immobile et silencieuse.

Un très long moment s’écoula ainsi.

Puis le silence fut rompu par un long cri aigu et inhumain.

Il empoigna son arme et descendit l’échelle à toute vitesse. Il sauta sur le sol, puis entendit au-dessus de lui les feuilles qui s’entrechoquaient. Il leva la tête, et avant même d’avoir pu apercevoir ce qui était au-dessus de lui, il s’effondra sur le sol, un fin morceau de bois en travers de la gorge.

Avril 2013

mercredi 13 février 2013

Budapest



Vous commencerez par remonter la Ráday utca jusqu’à Kálvin tér. Si la place est encore en travaux, elle se conforme déjà entièrement aux standards de l’urbanisme occidental : interconnexion entre le tram et le métro, larges espaces réservés aux piétons, grands bâtiments en verre, enseignes, publicités tapageuses. Vous vous engagerez ensuite sur un grand boulevard : Múzeum körút. Vous passerez alors devant un grand bâtiment néoclassique à la façade ornée d’une colonnade et d’un escalier majestueux, c’est le Magyar Nemzeti Múzeum, le musée national de Hongrie. Les hauts immeubles Art Déco seront gris ou noirs ou entièrement restaurés, ou alors tomberont tellement en ruine que des barrières protègeront les piétons des chutes de pierres. Puis vous découvrirez sur votre droite l’élégante façade de briques, surmontée de deux bulbes dorés, de la Dohány utcai zsinagóga, la grande synagogue, avant de pénétrer par la Dob utca dans le quartier juif, labyrinthe de cours souvent délabrées, d’autres fois transformées en lieux se sorties à la mode. Parfois, vous verrez la brique laissée à nu par la chute du plâtre au pied de la façade d’une vieille synagogue, vous regarderez sa porte en bois noirci par les hivers, et vous vous rappellerez les années de mort dans le ghetto. La neige qui tombera dru aura couvert les trottoirs et les jardins d’Andrássy út. Sur la grande avenue vous retrouverez l’alternance de luxueux et flamboyants bâtiments du XIXème siècle et des ruines qui vous évoqueront la guerre et l’intervention meurtrière des chars soviétiques en 1956. Après avoir longuement marché dans la neige, vous devinerez, au loin dans la brume, la haute colonne, l’archange Gabriel aux ailes déployées, et les statues équestres des héros Magyars d’Hősök tere, dont les manteaux semblent voler dans la brise du matin de leur arrivée dans la plaine de Hongrie. Derrière la place vous pourrez patiner sur le lac gelé, les hauts parleurs vous hurleront dans les oreilles des valses viennoises. Vous vous baignerez ensuite dans une piscine alimentée par une source d’eau chaude, les flocons tomberont sur vos cheveux et y fondront. Vous en sortirez à la fois sereine et épuisée. Sur le quai vous guetterez le métro, massif et rectangulaire, de longues lignes strieront sa carlingue et vous évoqueront les années 1950. Les plaques en aluminium du constructeur seront vissées sur la carrosserie : elles seront écrites en russe.
Février 2013

jeudi 24 janvier 2013

La fin du monde


Ses bottes de chasse aux pieds, chaudement vêtu de son treillis et de sa veste rembourrée, M. Denis se tenait appuyé sur le manche de sa grande pelle à neige. Il regardait le camion de poubelles qui s’avançait précautionneusement sur la chaussée poisseuse. Il salua d’un geste de la main les éboueurs emmitouflés qui vidèrent sa poubelle dans la benne. Ils répondirent à son salut et passèrent à la maison suivante. M. Denis tira quelques bouffées de sa pipe dont la fumée se mêlait à la vapeur de son haleine dans le matin glacial.

Il lui avait fallu plus d’une heure de labeur pour dégager l’allée, l’entrée du garage et sa portion de trottoir de toute la neige qui était tombée pendant la nuit – soit bien quinze centimètres. Il ne voulait pas qu’un passant se cassât une jambe précisément devant chez lui. Avec sa veine, le pire était toujours à craindre.

Il regarda le camion qui s’éloignait lentement, tour à tour suivi et devancé par les éboueurs en blousons multicolores. Puis quelques autos passèrent, au pas. Il avait tout le temps de rentrer. Il profitait de ce début de journée ralenti par le soudain temps d’hiver pour fumer sa pipe, tranquille, sans sa femme pour interrompre le fil chaotique de ses pensées.

Un long frisson le traversa de part en part : il se refroidissait. Il alla chercher la poubelle qu’il rangea dans le garage. Il déposa la pelle à côté. Il suspendit son manteau à la patère, et retira ses bottes qui ruisselaient sur le béton. Il chaussa ses pantoufles et entra dans le couloir.

Il faisait chaud dans la maison. Il y avait cette odeur familière, faite de soupe, de café resté trop longtemps sur la cafetière et de nappe cirée.

- Te voilà, toi ! dit sa femme quand il entra dans le salon.

Mme Denis était une grosse dame aux cheveux bleus frisés. Vêtue d’une robe sans forme, elle repassait du linge en écoutant une émission qui s’échappait d’un petit poste de radio posé sur la tablette de la cheminée.

- Oui, me voilà, répondit M. Denis sans desserrer les dents de sa pipe.

Il se tenait debout, l’épaule appuyée au chambranle de la porte.

- Tu savais, toi, que la fin du monde est annoncée pour le 21 décembre 2012 ? demanda-t-elle mi-ironique, mi-sérieuse.

- Non. C’est quoi, ces conneries ?

- Je viens d’entendre ça à la radio. Ça vient des Mayas, paraît-il.

- Et qu’est-ce qu’il est censé se passer le 21 décembre ?

- Une météorite va s’écraser sur la terre, ils disent.

- Des conneries, répondit-il, méprisant.

- Qu’est-ce que t’en sais, toi ? T’es Maya, peut-être ?

M. Denis leva les yeux au ciel et dit :

- Tu imagines bien que si une météorite devait s’écraser sur la terre dans deux jours, on la verrait déjà arriver sur tous les télescopes du monde ! Dans ce cas, ça se saurait.

- Monsieur a réponse à tout, répondit-elle un peu piquée par le ton de son mari. N’empêche qu’il y a des gens qui y croient.

- Ah ?

- Oui. Même qu’ils se cachent dans des grottes qui seront, paraît-il, épargnées.

- N’importe quoi ! Ça me rappelle les hippies des années 1970 !

- Parce que t’as fréquenté des hippies, toi, peut-être ? C’est bien la première fois que j’entends parler de ça.

Mme Denis éclata de rire, tandis que M. Denis sourit au souvenir de cette jeune femme aux cheveux longs qui voyageait en stop et que son père avait autorisée à dormir dans la grange. Elle avait été fort reconnaissante avec le fiston de la maison. La libération sexuelle avait du bon, quand même, pensa-t-il.

- Eh ! Je te parle ! A quoi tu pensais ?

- A rien, répondit-il en mâchonnant sa pipe.

- Tu parles. Je ne te crois pas. Garde tes secrets, je m’en fiche, va.

Mme Denis plia un torchon et le posa sur la pile de torchons déjà repassés sur la table à manger. Puis elle commença à en repasser un autre. Comme son mari ne se décidait pas à partir, elle lui dit :

- Tu as fini de tout déneiger ?

- Oui. Tout est dégagé. On ne peut pas en dire autant de la rue. Une vraie gouillasse.

- Peut-être que le chasse-neige va passer dans la matinée.

- Peut-être, oui.

- Dis, tu as peut-être autre chose à faire qu’à rester planté là à me regarder repasser ?

Et comme il restait immobile, le regard dans le vague, elle ajouta :

- Eh ! Tu m’entends ?!

- Oui, oui. Je pars, je pars.

M. Denis fit demi-tour, retourna dans le garage, évitant soigneusement la flaque d’eau devant la porte, et se dirigea vers son atelier qui était aménagé dans une grande pièce séparée du reste du garage par un mur de parpaings à nu. Il commença par faire un peu de rangement sur l’établis, l’esprit ailleurs. Il n’aurait pas voulu l’admettre devant sa femme, mais il était assez préoccupé par cette histoire de fin du monde. Il n’y croyait pas positivement, mais tout de même. Si c’était vrai ? Que ferait-il ? Il y avait là de quoi remâcher toute la journée.

- C’est bien un paysan, tiens, marmonnait dans sa barbe Mme Denis. Il part toujours du principe que tout ce qu’on raconte à la radio ou à la télé, c’est que des mensonges pour berner les gens comme nous. N’empêche. Si c’est vraiment la fin du monde, les malins dans l’histoire, ce sont les gens qui vont dans les grottes. Ils seront sauvés, eux. Il faut être bien sûr de soi pour tout quitter comme ça, sa maison, son travail, on ne quitte pas ça sans bonnes raisons. 

Elle n’aurait pas voulu l’admettre devant son mari, mais elle commençait à y croire, elle, à cette histoire de fin du monde. L’argument qui l’avait réellement fait vaciller – le spécialiste de l’émission avait insisté là-dessus – était que c’était déjà arrivé dans le passé : tous les dinosaures avaient disparu ! C’était concret, ça.

M. et Mme Denis passèrent une journée inquiète, chacun préoccupé de son côté de ce qu’il convenait de faire dans cette situation. Comme d’un commun accord, ils se fuirent toute la journée pour ne pas avoir à dévoiler le fond de leurs pensées.

*

M. Denis se retourna pour la millième fois dans son lit. Il regarda l’heure : 2h30. Les insomnies le tourmentaient rarement, il se demandait pourquoi il ne parvenait pas à s’endormir. Il soupira.

- Robert, tu ne dors pas ? chuchota Mme Denis.

- Non, souffla-t-il, agacé. Je n’arrive pas à m’endormir.

- Moi non plus. Je n’arrête pas d’y penser.

- A quoi ?

- A la fin du monde, voyons ! A quoi d’autre ?

- Mais puisque je t’ai dit qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter !

- Je te trouve bien sûr de toi.

- Si c’était vraiment la fin du monde, on le saurait, sois tranquille.

- Si c’était eux qui avaient raison ? Ceux qui vont dans les grottes ? Qu’est-ce qu’on en sait, après tout ?

- La fin du monde n’est pas pour demain, va. Dors donc.

Un silence ouaté s'installa. M. Denis commençait à sentir l’inconscience s’emparer de son cerveau.

- Pourquoi nous n’irions pas, nous aussi, dans les grottes ? demanda Mme Denis à haute voix.

- Arghhh ! Je commençais à m’endormir !

- Excuse-moi, mais je te rappelle quand même qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort. Mais si tu t’en fous qu’on meure, dis-le tout de suite !

- On mourra de toute façon, alors demain ou dans dix ans, c’est pareil. Dors, maintenant.
Mme Denis tourna le dos à son mari qui se mit à ronfler.

*

Lorsque le lendemain matin, M. Denis sortit de la salle de bain, se réjouissant par avance de prendre un bon petit-déjeuner avant d’aller fumer une pipe dans le jardin glacé, Mme Denis avait posé une grosse valise sur leur lit et y déposait des vêtements par piles.

- Mais qu’est-ce que tu fais, Simone ?

- Toi, tu fais ce que tu veux, mais moi, j’y vais.

- Où ça ?

- Mais dans les grottes !

- Quoi ?!

- Tu m’as très bien entendue.

- Tu es devenue complètement folle ! Puisque je me tue à te répéter que ce N’EST PAS LA FIN DU MONDE !

- Tu as ton avis, j’ai le mien. J’ai pris ma décision. Je tiens à la vie, moi. Je pars.

- Et tu y vas comment, aux grottes ? demanda-t-il goguenard.

- Avec l’auto, pardi.

- Et moi, comment je vais faire ??

- Puisque tu t’en fous de mourir demain, tu peux bien t’en passer.

- Mais ça ne va pas dans ta tête !

- Pense ce que tu veux, mais laisse-moi préparer mes affaires, maintenant.

M. Denis leva les yeux au ciel et quitta la chambre. Il se dit qu’il n’allait pas se priver de son petit-déjeuner pour ce genre de bêtises, et que sa femme reviendrait probablement à la raison quand elle se retrouverait seule dans l’auto – qu’elle savait à peine démarrer, d’ailleurs.

Il alluma la radio et prépara le petit-déjeuner pour tous les deux. Alors qu’il mangeait une tartine, Mme Denis se présenta à la porte de la cuisine, sa valise à la main et son petit chapeau des enterrements sur la tête. M. Denis se retint de justesse d’éclater de rire.

- Prends au moins un café avec moi, lui dit-il gentiment.

Mme Denis pinça les lèvres, et s’assit à table, toute engoncée dans son manteau.

- Tu es toujours décidée ?

- Plus que jamais.

 - Tu m’abandonnes alors ? Après toutes ces années ? Comme ça, du jour au lendemain ?

- Je ne t’empêche pas de venir avec moi.

Au mot d’apocalypse, tous deux tendirent l’oreille vers le transistor :

« … la meilleure preuve que cette prophétie est fausse est qu’en comptant les jours supprimés du calendrier au Moyen-Age, la fin du monde aurait de toute façon eu lieu la semaine dernière… »

Janvier 2013

mercredi 9 janvier 2013

Villes


Milan. Elle est l’une des agglomérations les plus importantes d’Europe, et pourtant elle est méconnue. Sorte de Gotham City italien, aux boulevards immenses et rectilignes, aux vitrines luxueuses et aux gratte-ciel Art Déco qui se propulsent vers les nuages. Les grands halls de ces résidences chics sont carrelés de marbre et brillamment éclairés. Il faut montrer patte blanche au concierge avant de pouvoir pénétrer dans l’ascenseur.

Trieste. Elle ne peut cacher qu’elle est une ville croupion. Ses monuments pompeux et ses énormes bâtiments municipaux, construits à la gloire de l’unité italienne, ne font pas illusion. Ce ne sont que les parements fanés et hors sujet d’une ville décatie qui essaie de nous amadouer. Car, pour la quitter, on emprunte une autoroute sur pilotis qui traverse de part en part la zone industrielle rouillée et fumante et les quartiers bétonnés, et qui serpente ainsi jusqu’au sommet de la pente, là où est creusé le tunnel qui pénètre en Slovénie.

Ljubljana. Voilà une petite ville de province propre et pimpante. Elle est ceinte de hautes montagnes enneigées. Il y a un château fort sur une éminence, et même un funiculaire pour y monter. Et pourtant les touristes ne s’y précipitent pas. Il faut dire qu’il n’y a rien à y faire. C’est là qu’on été enregistrés mes premiers disques de Chostakovitch, dans cette collection bon marché. Incroyable : cette ville existe vraiment. A l’époque c’était la Yougoslavie et le rideau de fer.

Vienne. Grande – disproportionnée, même – et majestueuse. La quintessence de la capitale européenne : les palais, les constructions du XIXème siècle, les boulevards, les trams. Le seul endroit au monde où l’opéra diffuse des ballets sur écran géant le soir du réveillon, alors que la foule s’éparpille partout dans les rues, déjà ivre. Les valses de Vienne prennent soudain une autre couleur. Et puis il y a Barbara, la cathédrale, le Danube et le Prater. Et on en revient une fois encore à S. Zweig.

Janvier 2013

lundi 17 décembre 2012

Patrick Modiano


Est-ce le destin de certains auteurs d’être des écrivains du dimanche ? Non pas comme on parle de peintres du dimanche, mais parce que notre main est aimantée par leurs livres dans la bibliothèque le dimanche en particulier, quand la luminosité est faible, qu’il pleut peut-être et qu’une longue après-midi d’oisiveté nous attend. Les membres les plus éminents de ce club très fermé sont Jules Verne et Agatha Christie. On pourrait croire que c’est la célèbre flemme du dimanche qui nous pousse à jeter notre dévolu sur eux, car ils ne demandent pas trop d’efforts pour être lus, ils sont un peu comme les pâtes de la littérature, tout le monde les aime, quelque soit la garniture. Avec Patrick Modiano, c’est autre chose. Pourtant lui aussi est définitivement un écrivain du dimanche. Quelque soit le titre que l’on choisit, on monte dans un train en marche, une ligne régulière que l’on fréquente depuis toujours : Paris, les années 1960, une certaine topographie poétique, des personnages si fragiles qu’un souffle suffirait à les faire disparaître. Les romans de Modiano se lisent d’une traite. D’une seule plongée en apnée nous nous retrouvons dans une monde calme, assourdi, où le hasard conduit les âmes comme les poissons un courant entre deux eaux, où le temps ne s’écoule pas de la même façon qu’en surface. Le dimanche, délestés des contraintes du monde, un peu hagards devant tout ce vide, nous sommes le mieux à même de respirer dans ce monde sous-marin. Il y a tout de même un peu de complaisance de notre part à nous émouvoir si voluptueusement de cette atmosphère nostalgique. Nous voudrions presque nous aussi, comme un personnage de Modiano, débrancher le téléphone, faire notre valise et monter dans un taxi pour n’importe quelle porte de Paris. Puis le roman est terminé. Nous allumons le plafonnier de la cuisine et nous préparons le dîner. Il n’y a que dans les romans de Patrick Modiano que les lundis n’existent pas.

Décembre 2012

mercredi 7 novembre 2012

Prague


Il y a des noms de lieux qui sonnent comme des mots magiques, qui portent en eux une charge de rêve inextinguible : Thurgovie, Carélie, Bohème-Moravie, Engadine. Longtemps je me dirai : j’ai traversé la Bohème en auto à l’automne de cette année-là pour me rendre à Prague. Prague aussi est un nom qui fait rêver, il évoque la double monarchie austro-hongroise et son aigle à deux têtes, un mélange unique de langues et de cultures, et une certaine Europe d’avant la Première Guerre. Le quartier baroque de Mála Strana, une fois balayées les scories sales et grises du régime communiste, a retrouvé ses couleurs pastel si germaniques : bleu ciel, vert d’eau, mauve, jaune. Des centaines de touristes emmaillotés dans leurs manteaux se pressent dans la cathédrale Saint-Guy battue par la tempête de neige, et sous la nef les langues se mêlent à nouveau dans un joyeux brouhaha. La langue tchèque étonne autant l’œil que l’oreille. On se pose mille questions sur tous ces accents et ces petites couronnes inconnus chez nous. Ni latin ni allemand ne servent de rien, on ne comprend rien, on est ailleurs. Des femmes en fourrures brillantes se promènent devant des vitrines luxueuses, et on ne sait plus si on est à Berlin, Milan ou Saint-Pétersbourg. Mais une chose est certaine : on est dans une capitale européenne. Tout, autour de nous, le rappelle sans cesse : la longue place Venceslas, l’imposant bâtiment du Národní muzeum, les ponts sur la Vltava, les cafés, les trams. On se recueille dans le vieux cimetière juif. On admire les synagogues néomauresques et Art nouveau construites à l’époque de l’émancipation de la communauté juive de Prague. On relit avec gravité l’histoire de cette communauté qui n’a retrouvé la totalité de ses droits politiques et culturels qu’après la chute du régime communiste.

Et on prend conscience, dans ce cœur de la Mitteleuropa, qu’on ne mesurera jamais assez la signification symbolique du suicide de S. Zweig en 1942.

Novembre 2012



vendredi 5 octobre 2012

La barrière


Les heures s’étaient écoulées interminablement. Toute la nuit il était resté couché, enroulé dans la terre, sous le couvert d’une grande fougère. Il avait été tenu éveillé par les pas qu’il avait entendu résonner indistinctement, par les cris et les aboiements. Il était épuisé par l’attente et la tension. Mais le miracle avait eu lieu : on ne l’avait pas découvert.

Le son qu’il guettait depuis qu’il se tenait caché se devina enfin. Les rails sur le talus vibraient et sifflaient doucement. Puis, dans un fracas assourdissant, le train s’arrêta en gare du Saut du Cerf.

Le soleil n’était pas encore entièrement levé et le ciel était gris et bas. Il entendit à nouveau les chiens aboyer. Il se dit qu’on était sans doute en train de fouiller le train avant son départ. Il s’imposa de rester dans sa tanière. Il entendait des personnes s’agiter autour des wagons, des voix indistinctes qui allaient et venaient, le bruit des chaînes des molosses.

Après un sifflement aigu, le train commença à se déplacer très lentement. C’était le bon moment pour lui. Il sauta du fourré comme un écureuil, s’accrocha aux parois de bois du wagon et escalada jusqu’au toit. Il se coucha, retint sa respiration et tendit l’oreille. Il semblait ne pas avoir été vu.

Le train prit peu à peu de la vitesse. Il sentait la brise fouetter son visage. Il pouvait tout juste garder les yeux ouverts et se sentait écrasé par la fatigue. Il accrocha sa ceinture à l’armature métallique et s’endormit immédiatement ensuite. 

Lorsqu’il se réveilla, le train roulait toujours. Il avait des courbatures par tout le corps, et terriblement soif. Les cahots étaient désagréables et son corps avait besoin de silence. La hauteur du soleil dans le ciel indiquait que l’après-midi était déjà avancée. Il avait donc dormi plusieurs heures. Mais, s’il avait déjà effectué une grande distance, le train était toujours dans la forêt.

L’attente fut longue encore avant que le train ne s’arrêtât. Il se détacha et attendit le dernier moment pour sauter du toit du wagon dans un bosquet de noisetier. Il attendit que le train se fût totalement éloigné, puis sortit inspecter les lieux. Il n’y avait rien en vue. Il épousseta ses vêtements, regarda ses genoux écorchés et sortit sa boussole de sa poche. Il se glissa à travers les fourrés et s’engagea dans la forêt.

Après s’être fait un passage à travers des buissons piquants, enjambé des troncs couchés, écarté des branches de son visage, il trouva enfin ce qu’il souhaitait avec tant d’impatience. Un torrent coulait dans un fossé de terre sur des pierres plates et blanches. Il se jeta immédiatement à plat ventre et but goulûment en glissant toute sa tête dans l’eau froide.

Lorsque sa soif fut totalement apaisée, il se releva pour chercher un trou d’eau suffisamment profond pour s’y baigner. Il le trouva quelques pas plus loin. Il se déshabilla entièrement et se glissa frileusement dans l’eau glacée. Il nettoya consciencieusement ses écorchures, puis s’accroupit et s’aspergea énergiquement. Des filets d’eau froide lui coulait sur les flancs, il avait la chair de poule mais il se sentait mieux d’être propre.

Pendant qu’il s’égouttait, il épousseta ses vêtements et retira les brindilles et les feuilles qui s’étaient accrochées à ses chaussettes. Il se rhabilla et se remit en route.

Maintenant que sa soif était étanchée, son ventre gargouillait terriblement. Parti sur un coup de tête, il n’avait rien préparé de son départ. C’était encore une chance qu’il eût sa boussole avec lui. Il vit un autre bosquet de noisetiers et eut cette fois la présence d’esprit de remplir ses poches de noisettes. En attendant mieux, cela calmerait sa faim.

*

Il y avait plusieurs heures qu’il marchait ainsi lorsque la forêt cessa brusquement et qu’il vint buter contre une clôture. C’était déjà le soir, et il commençait à faire sombre. Il put se mettre un moment à découvert et avoir une idée générale du terrain. De l’autre côté du pré il y avait une vallée au fond plutôt plat et qui était cultivé. On voyait encore des restes de chaume sur le sol noir. Des bouquets d’arbres avaient poussé le long des méandres du ruisseau. Une belle grange en bois, trapue, sombre, était accolée au talus.

Il choisit l’itinéraire qui lui permettait de rester le plus souvent à couvert d’un buisson ou d’un arbre. En quelques bonds, il fut près de la porte qui n’était pas fermée. Il entra. Il y avait des bottes de foin, des sacs de grain, des outils des champs et de menuiserie. C’était une bonne cachette. Et pourtant, si on l’avait suivi sans qu’il s’en rendît compte, on le trouverait très rapidement, puisque c’était le seul bâti dans les environs. La fatigue choisit pour lui, il s’allongea dans le foin et grignota des noisettes.

Plus tard dans la soirée, il entendit des pas qui s’approchaient. Puis des cris et des sifflets. Il comprit que deux bergers rassemblaient un troupeau de vaches afin de les changer de pâture. En attendant que le bétail vint jusqu’à eux, les deux hommes se tenaient tout près de la paroi et il pouvait entendre leur conversation :
- Il paraît qu’il y en a encore un qui s’est évadé, dit une voix juvénile.
- Lui non plus ne va pas courir bien loin, répondit une voix grave et sévère.
- Non. C’est vrai. Ils les retrouvent toujours assez vite.

Après un silence, la voix la plus jeune reprit :
- A ce qu’on raconte, celui-là est déjà allé beaucoup plus loin que les autres.
- Comment le sais-tu ? demanda le vieux de sa voix grondante.
- J’ai vu des patrouilles en ville. Ils fouillent les hôtels, les caves, les greniers, tous les endroits où il pourrait se cacher.
- Il serait déjà en ville, alors ?
- En tout cas, eux le pensent.
- S’il a réussi à venir jusque là, c’est qu’il est plus malin que les autres. A mon avis, il n’y est déjà plus, ce serait trop risqué pour lui.
- Peut-être attend-il un train ?
- Tu n’en sais rien. Et ça ne te regarde pas.

Après un autre court silence, la voix jeune ajouta comme pour elle-même :
- Moi, je les comprends.
- Qui donc ? demanda la voix vieille rudement.
- Ceux qui s’évadent…
- Tais-toi donc, imbécile. Et ne répète jamais ça devant moi.

Ensuite, il n’entendit plus rien. Le bruit des cloches avait disparu. Il faisait maintenant complètement noir dans la grange.

Il passa la plus grande partie de la nuit à réfléchir à ce qui était la meilleure décision à prendre pour lui, maintenant qu’il avait ces nouveaux renseignements. Il était toujours possible que ce fût simplement un piège. Mais cela lui paraissait assez improbable. Il avait presque épuisé sa réserve d’eau. Il ne voulait pas retourner dans la forêt, mais il devait se résoudre à ce qu’on le retrouvât s’il restait jusqu’au matin dans la grange. Pourtant, le plus raisonnable était bien de contourner la ville, et d’attraper plus tard un train qui l’emporterait loin d’ici. Sa décision était donc prise.

Il se releva et s’approcha silencieusement de la grande porte. Il tendit l’oreille, la déverrouilla et l’entrouvrit. Le silence était total. La nuit était lumineuse, un beau croissant de lune diffusait une lumière pâle sur la vallée. Il se glissa à l’extérieur et colla son dos à la paroi en bois.

Quelqu’un frôla son épaule. Il sursauta et tourna vivement la tête. Il vit un jeune garçon dont les fins cheveux blonds lui tombaient sur les yeux. Il avait le visage grave et le regardait fixement. Il esquissa un demi-sourire puis posa l’index sur ses lèvres et lui fit signe de le suivre. Il souleva la toile épaisse qui couvrait le chargement d’une charrette, et lui fit une place au milieu des sacs de blés.

Il serra la main du jeune garçon après l’avoir attentivement regardé, puis il se cacha. La charrette se mit immédiatement en route.

*

Il étouffait sous sa bâche. Les cahots des roues pleines sur les pierres lui moulinaient le dos. La nuit fut très longue et sans repos. Il remarqua qu’il faisait un peu moins sombre, puis il entendit des bruits qui lui firent penser qu’il était à la barrière d’une ville. Il commença à avoir peur, mais resta parfaitement immobile. Des soldats jappèrent et frappèrent du pied. Il entendit le sifflement des lames qui traversaient les sacs de grain. Il comprit que les gardes sondaient le chargement avec la lame de leurs baïonnettes.

Le métal coupant entra dans son flanc et le perfora de part en part.

mercredi 3 octobre 2012

Nouveautés

Chers lecteurs,

J'ai fait ces derniers temps quelques modifications sur ce blog :
- J'ai ajouté une préface ;
- J'ai ajouté une table des matières ;
- J'ai mis à jour ma bibliographie.

En espérant que ces nouveautés vous agréent,

ND

mercredi 26 septembre 2012

L'aire de jeu


L’automne s’immisce dans la belle forêt domestiquée. Les arbres sont mouchetés de taches jaunes. Les noisettes et les jolis marrons lisses sont déjà tombés. La lumière est douce, elle appelle les flambées d’hiver et les gros pull-over en laine. Les daims et les chèvres se cachent, il n’y a derrière les grillages que la terre humide et noire, et les buissons dépouillés. Des poussettes, des jouets, des couvertures et des vêtements multicolores sont disséminés sur la pelouse d’un vert épais. De petits enfants jouent dans les bacs à sable, d’autres se balancent jusqu’aux nuages. Les parents, qui les surveillent du coin de l’œil, sont assis autour des tables de pique-nique et discutent sagement. Les tipis de rondins font remonter du néant des souvenirs lointains. L’odeur acide du bois noirci par les hivers. Le sol de la cabane usé par les souliers et couvert de sable. S’y inventer des histoires extraordinaires.

Septembre 2012

mercredi 5 septembre 2012

Critique de "L'ombre s'étend"

Un grand merci à l'auteure de l'excellent blog http://www.delitteris.com/ qui m'offre ma première critique!


mercredi 25 juillet 2012

Le saut du cerf


Il y avait un long moment qu’il avait quitté le grand chemin. Il avait marché à travers un champ de blé fraîchement moissonné, des pailles de chaume lui avaient plusieurs fois piqué les chevilles. Mais il avait continué sans hésitation, pressé de se cacher de la faible lumière de la lune dans le petit bois dont il avait repéré la tache plus sombre, au loin sur la gauche, et qui dans son impatience à l’atteindre avait semblé reculer devant ses pas.

Il atteignit enfin un bosquet de noisetiers dans lequel il se faufila, non sans avoir une dernière fois regardé derrière lui. On ne l’avait pas suivi. Personne n’était en vue dans l’espace à découvert. A l’abri des regards, il s’assit par terre pour reprendre son souffle et réfléchir un moment. Il lui fallut plusieurs minutes pour calmer son halètement. Il avait chaud, les feuilles mortes chatouillaient ses mollets, sa chemise collait contre son dos, mais il se refusait à retirer son sac à dos de grosse toile, pour le cas où il aurait à reprendre sa course.

Sa principale inquiétude était de se perdre dans cette région qu’il ne connaissait pas et de revenir à son point de départ. Le choix n’avait pas été facile entre fuir la nuit en prenant le risque de s’égarer, et fuir le jour avec le danger d’être retrouvé plus vite. Il lui avait semblé filer droit vers l’ouest, mais comment être certain qu’il n’avait pas tourné en rond ?

Quand sa respiration se fut calmée et qu’il put se concentrer sur son ouïe, il constata qu’il n’entendait aucun bruit inquiétant. Il se mût pour la première fois depuis qu’il se tenait caché, s’assit en tailleur et retira une brindille qui s’était glissée dans sa chaussette. Il décida de repartir assez vite. Il avait sans doute encore un peu d’avance. Il devait mettre la plus grande distance possible entre eux et lui. Il s’inquiétait déjà de la direction à prendre en sortant du bois. Combien de jours allait-il devoir marcher pour être hors de danger ? Devait-il monter dans le premier train venu, ou était-il plus prudent de se tenir une semaine dans cette planque où on ne risquait pas de venir le chercher ?

Il réfléchit à tout cela très vite et trancha : il était incapable de rester cacher si près de ce qu’il fuyait. Il avait besoin de mouvement, de marcher aussi loin que possible et il gardait un petit espoir qu’on ne s’était pas aperçu de son évasion. Sur les vingt-trois autres types dans le dortoir, il en avait probablement réveillé un. Il n’avait plus qu’à espérer que celui qu’il avait réveillé n’était pas un mouchard.

Lorsqu’il se remit debout, il avait l’esprit plus clair d’avoir pris une décision. Il longea la bordure du champ en restant caché dans les bosquets. Ses pas sur les feuilles mortes qui craquaient lui semblaient faire un bruit infernal, mais c’était toujours moins dangereux que sa silhouette bien dessinée sur le fond noir du bois.

Il marcha ainsi plusieurs centaines de mètres. Puis il traversa une première pâture en prenant soin de ne pas se tordre la cheville dans un des trous creusés dans la terre meuble par les sabots du bétail. Il sauta par-dessus une autre clôture, et s’aperçut qu’il était passé très près d’un troupeau de quelques vaches qu’il n’avait pas vu dans l’obscurité. Il frissonna en devinant au loin le dos puissant du taureau allongé. Il traversa plusieurs autres prés en courant, avant de retrouver un large chemin.

Il se laissa tomber dans l’herbe pour reprendre son souffle et s’y allongea. Il tendit l’oreille. Aucun bruit inhabituel. Pas de voix humaines, pas d’aboiements. Tout était calme. Le ciel était suffisamment couvert, la lumière de la lune était juste assez forte pour éclairer son chemin en le laissant dans l’ombre.

Bien que toujours incertain de la direction à prendre, il s’engagea résolument sur le chemin. Après les obstacles qu’il avait déjà franchis, il se sentait des ailes aux pieds, et marchait vite sur le gravier blanc. Après un virage à angle droit, le chemin venait se coller à un long terre-plein, haut de quelques mètres, fait de pierrailles : la voie ferrée. Il sourit intérieurement de sa chance.

Après quelques dizaines de mètres, il aperçut le long de la voie une vieille bicoque qui avait dû servir autrefois aux ouvriers qui avaient construit la voie. Si elle avait été en bois, et non en pierre, ç’aurait été une simple cabane. Elle servait sans doute maintenant d’abri matinal aux chasseurs. Il n’essaya même pas d’ouvrir la porte métallique de laquelle se détachaient des lamelles de métal rouillé. Il retira son sac, s’assit sur le banc de bois pourri qui était contre la façade et but à sa gourde métallique. Il sentait les battements de son cœur ralentir. Il avait déjà mis plusieurs kilomètres entre eux et lui.

Il eut un spasme au cœur lorsqu’il entendit des pas légers derrière la cabane.

Quelques secondes plus tard, une jeune fille se tenait devant lui. Elle était habillée comme lui : grosses chaussures montantes, pantalon court de velours côtelé, mais elle portait un pull de laine épaisse par-dessus sa chemise. Elle n’avait pas de sac sur le dos, elle avait ses cheveux blonds coupés très court, comme un garçon. Les mains dans les poches, elle le regarda très attentivement avant de lui demander sèchement :
- Que fais-tu ici ?
Malgré sa surprise et sa crainte, il réussit à répondre d’un ton assuré :
- Je ne vois pas en quoi cela vous regarde.
- Certes… répondit-elle, en baissant les yeux vers le sol.
Il restèrent un long moment silencieux, sans oser se regarder.

- Quelle frousse vous m’avez faite ! s’écria-t-elle, contrariée.
- Et moi donc, alors !
- Vous, c’est différent, dit-elle avec résolution.
- Pourquoi cela ? demanda-t-il, railleur.
- Vous n’êtes jamais venu ici.

Il la regarda attentivement, puis demanda :
- Et vous, vous venez souvent dans cet endroit ?
- Oui. Dans un certain sens.

Il resta silencieux et la regarda encore un moment, incapable de se faire une idée sur elle. Moucharde ou pas ? Tout simplement folle ? Il n’avait pas le temps, de toute façon, de chercher une réponse à ces questions.

- Je vais continuer ma route, dit-il en remettant son sac. Adieu !
- Vous partez déjà…
- Oui. Il le faut.
- Je ne pourrais pas…
- Non, répondit-il, tranchant.
- Bon. Dommage. J’aurais pourtant pu vous être utile. Je connais bien la région…
- C’est toujours non. Je me débrouille très bien seul.
- Que fuyez-vous ?
- Ce ne sont pas vos affaires. Rien.
- J’ai pourtant ma petite idée sur la question, dit-elle avec un fin sourire.
- Gardez donc votre idée, ça m’est parfaitement égal. Adieu !

Il franchit d’un saut le petit remblai et commença à marcher entre les rails. Il lui semblait que la peur que la jeune fille lui avait faite l’avait purgé de toute autre peur. Il avait l’esprit en éveil, mais ne se sentait pas anxieux.

*

Il lui semblait marcher depuis plusieurs heures sur le talus qui tranchait la forêt d’un trait net. Rien ne changeait autour de lui. Toujours des arbres, le silence total. Le ciel était encore couvert et n’éclairait que ses pas et les pierres les plus claires du talus. Il décida qu’il en avait assez, qu’il pouvait s’accorder maintenant quelques minutes de repos. Il s’assit sur un rail, allongea ses jambes et joua un moment à lancer des graviers devant lui.

Une ombre couvrit soudainement sa main. Il sursauta et leva les yeux. La même jeune fille, toujours les mains dans les poches, le regardait attentivement :
- J’ai bien cru que vous ne vous arrêteriez jamais, dit-elle d’une voix neutre.
- Pourquoi me suivez-vous ? demanda-t-il en se levant, avec plus de curiosité que de colère dans la voix.
Elle répondit par un haussement d’épaules.
- Ecoutez. Faites demi-tour, maintenant. Laissez-moi seul. Je n’ai pas besoin d’escorte.
- On vous a fait beaucoup de mal ?
Il la regarda, consterné, mais ne répondit pas immédiatement.
- Partez maintenant, dit-il. Pour la dernière fois, partez !
- Bon. Comme vous voudrez.
- Maintenant !
- Bon. Permettez-moi simplement un dernier mot : n’allez pas jusqu’à la gare.
- Très bien. Merci du conseil. Partez, maintenant.

Il regarda longuement son dos qui s’éloignait dans l’obscurité grise, déjà, des premiers feux de l’aurore.

Lorsqu’elle eut disparu de sa vue, il se remit en route. Il était à nouveau inquiet. Il se demandait pourquoi elle l’avait suivi, et comment elle s’était débrouillée pour qu’il ne sente pas sa présence. Il se demandait quel crédit accorder à son avertissement. Fallait-il suivre son conseil ? Où était le piège ? Comment avait-elle deviné que c’était justement là son plan : se rendre à la gare, se cacher dans un train, et quitter la région le plus vite possible. La gare qui était son objectif était si éloignée de là où il venait, que personne n’aurait eu l’idée d’aller l’y chercher.

Il se dit qu’elle était sans doute tout à fait folle. Il fallait l’être pour suivre ainsi un inconnu sur une voix ferrée, en pleine nuit. Certainement, il avait eu raison de l’avoir repoussée.

*

Un petit jour moite se levait enfin sur le talus poussiéreux. Il marchait toujours, sans savoir quelle distance il avait parcouru, et quelle distance il lui restait à parcourir.

Au bout d’une longue courbe, le talus s’abaissa peu à peu jusqu’au niveau du sol. Il aperçut au loin une autre petite bâtisse. Elle était semblable à la précédente, mais elle était moins décrépite. Ses murs étaient en béton gris. L’encadrement de l’unique porte et de l’unique fenêtre était en briques rouges. Les tuiles avaient été récemment changées.

Au-dessus de la porte était accroché un grand panneau de bois peint dans un blanc sale. En lettres majuscules noires, il y était écrit : LE-SAUT-DU-CERF.

Il s’allongea sur le banc de bois qui était sous la fenêtre et ne tarda pas à s’y endormir.

*

Il sentit un objet de métal qui frappait doucement son menton. Il ouvrit des yeux surpris, encore endormis.
- Vous êtes bien tous les mêmes, dit une voix douce. Tous, on vous retrouve au même endroit.

Juillet 2012