vendredi 22 mars 2019

Lucca


Lucca a étrangement transformé sa grande muraille de protection en une espèce de promenade surélevée, renversant ainsi sa fonction initiale : on ne surveille plus l’ennemi qui arriverait de l’extérieur, mais on regarde vers l’intérieur. Les promeneurs du dimanche observent maintenant la ville entière, glissant des yeux curieux à l’intérieur des maisons et le long des rues, marquant dans la structure même de la ville son intérêt très fort pour elle-même. A l’intérieur de ce cercle, il y a un autre cercle, celui de ces maisons construites à l’intérieur même de la structure de l’ancien amphithéâtre romain, conservant sa forme elliptique fermée, et montrant à leurs façades les anciennes pierres, témoins bavards d’un passé révolu depuis deux millénaires, dans une synthèse des temps parfaite, à la fois permanence et intrication des Temps.

Mars 2019

Pise


Ce qui saisit, lorsqu’on découvre l’ensemble architectural de la Piazza del Duomo de Pise, c’est l’impression de s’être égaré sur le tapis de jeu vert émeraude d’un bébé géant : il y a là deux cylindres parfaits, l’un en longueur, le campanile, le second plus ramassé, le baptistère ; deux parallélépipèdes : la cathédrale et le Camposanto. L’espace est vaste entre chacun de ces monuments, ils sont parfaitement individualisés. Le mur du Camposanto, d’un blanc brillant, à peine décoré d’arcades simples, fait un contraste géométrique visuellement brutal avec l’étendue de gazon et constitue une œuvre presque abstraite, une quintessence tellement parfaite que Pasolini a choisi de filmer devant ce décor des personnages antiques. Dans sa Médée ce mur c’est Corinthe, symbole de l’éternelle supériorité de la civilisation sur la barbarie. Et comme un chef d’œuvre ne peut jamais être totalement parfait, un coup d’œil de côté vers la lente, et assez ridicule, chute de la Tour suffit à rappeler l’éternelle faillibilité humaine.

Février 2019